samedi 20 octobre 2012

Le Banquet de Platon - des origines de l'amour

Cette année j'ai utilisé en intro d'une de mes cérémonies une magnifique légende (lue il y a très longtemps durant mes cours de grec ancien), issue du Banquet de Platon, plus précisément du discours d'Aristophane. L'objectif de ce texte est de comprendre quelles sont les origines de l'amour (et au passage il explique que si on est homo ou hétéro, c'est pas vraiment de notre faute)...

Je vous propose donc le texte original d'une part, et ma version plus légère et plus accessible d'autre part !

Le discours d'Aristophane - Le Banquet de Platon

 « La nature humaine était primitivement bien différente de ce qu'elle est aujourd'hui. D'abord, il y avait trois sortes d'hommes, les deux sexes qui subsistent encore, et un troisième composé des deux premiers et qui les renfermait tous deux : il s'appelait androgyne ; il a été détruit, et la seule chose qui en reste, est le nom qui est en opprobre. Puis tous les hommes généralement étaient d'une figure ronde, avaient des épaules et des côtes attachées ensemble, quatre bras, quatre jambes, deux visages opposés l'un à l'autre et parfaitement semblables, sortant d'un seul cou et tenant à une seule tête» quatre oreilles, un double appareil des organes de la génération, et tout le reste dans la même proportion. Leur démarche était droite comme la nôtre, et ils n'avaient pas besoin de se tourner pour suivre tous les chemins qu'ils voulaient prendre; quand ils voulaient aller plus vite, ils s'appuyaient de leurs huit membres, par un mouvement circulaire, comme ceux qui les pieds en l'air imitent la roue. 
 
... Leurs corps étaient robustes et leurs courages élevés, ce qui leur inspira l'audace de monter jusqu'au ciel et de combattre contre les dieux, ainsi qu'Homère l'écrit d'Éphialtès et d'Otos. Jupiter examina avec les dieux ce qu'il y avait à faire dans cette circonstance. La chose n'était pas sans difficulté : les dieux ne voulaient pas les détruire comme ils avaient fait les géants en les foudroyant, car alors le culte que les hommes leur fendaient et les temples qu'ils leur élevaient, auraient aussi disparu; et, d'un autre côté, une telle insolence ne pouvait être soufferte. Enfin, après bien des embarras, il vint une idée à Jupiter : Je crois avoir trouvé, dit-il, un moyen de conserver les hommes et de les rendre plus retenus, c'est de diminuer leurs forces : je les séparerai en deux ; par là ils deviendront faibles ; et nous aurons encore un autre avantage, qui sera d'augmenter le nombre de ceux qui nous servent : ils marcheront droits, soutenus de deux jambes seulement ; et, si après cette punition leur audace subsiste, je les séparerai de nouveau, et ils seront réduits à marcher sur un seul pied, comme ceux. qui dansent sur les outres à la fête de Bacchus. 
 
Après cette déclaration le dieu fit la séparation qu'il venait de résoudre, et il la fit de la manière que l'on coupe les œufs lorsqu'on veut les saler, ou qu'avec un cheveu on les divise en deux parties égales. Il commanda ensuite à Apollon de guérir les plaies, et de placer le visage des hommes du côté que la séparation avait été faite, afin que la vue de ce châtiment les rendît plus modestes. Apollon obéit, mit le visage du coté indiqué, et, ramassant les peaux coupées sur ce qu'on appelle aujourd'hui le ventre, il les réunit toutes à la manière d'une bourse que l'on ferme, n'y laissant qu'une ouverture qu'on appelle le nombril. Quant aux autres plis en très-grand nombre, il les polit et façonna la poitrine avec un instrument semblable à celui dont se servent les cordonniers pour polir les souliers sur la forme, et laissa seulement quelques plis sur le ventre et le nombril, comme des souvenirs de l'ancien état. 
 
Cette division étant faite, chaque moitié cherchait à rencontrer celle qui lui appartenait; et s'étant trouvées toutes les deux, elles se joignaient avec une telle ardeur dans le désir de rentrer dans leur ancienne unité, qu'elles périssaient dans cet embrassement de faim et d'inaction, ne voulant rien faire l'une sans l'autre. Quand l'une des deux périssait, celle qui restait en cherchait une autre, à laquelle elle s'unissait de nouveau, soit qu'elle fut la moitié d'une femme entière, ce qu'aujourd'hui nous autres nous appelons une femme, soit que ce fût une moitié d'homme; et ainsi la race allait s'éteignant. Jupiter, touché de ce malheur, imagine un autre expédient. Il change de place les instruments de la génération et les met par-devant. Auparavant ils étaient par-derrière, et on concevait, et l'on répandait la semence, non l'un dans l'autre, mais à terre, comme les cigales. Il les mit donc par-devant, et de cette manière la conception se fit par la conjonction du mâle et de la femelle. Il en résulta que, si l'homme s'unissait à la femme, il engendrait et perpétuait l'espèce, et que, si le mâle s'unissait au mâle, la satiété les séparait bientôt et les renvoyait aux travaux et à tous les soins de la vie. 
 
Voilà comment l'amour est si naturel à l'homme ; l'amour nous ramène à notre nature primitive et, de deux êtres n'en faisant qu'un, rétablit en quelque sorte la nature humaine dans son ancienne perfection. Chacun de nous n'est donc qu'une moitié d'homme, moitié qui a été séparée de son tout, de la même manière que l'on sépare une sole. Ces moitiés cherchent toujours leurs moitiés.
...

(Nous avons tous) le désir d'un mélange si parfait avec la personne aimée qu'on ne soit plus qu'un avec elle. La cause en est que notre nature primitive était une, et que nous étions autrefois un tout parfait; le désir et la poursuite de cette unité s'appelle amour. Primitivement, comme je l'ai déjà dit, nous étions un; mais en punition de notre injustice nous avoris été séparés par Jupiter, comme les Arcadiens par les Lacédémoniens. Nous devons donc prendre garde à ne commettre aucune faute contre les dieux, de peur d'être exposés à une seconde division, et de devenir comme ces figures représentées de profil au bas des colonnes, n'ayant qu'une moitié de visage, et semblables à des dés séparés en deux. Exhortons-nous réciproquement à honorer les dieux, afin d'éviter un nouveau châtiment, et de revenir à l'unité sous les auspices et la conduite de l'Amour; que personne ne se mette en guerre avec l'Amour, et c'est se mettre en guerre avec lui que de se révolter contre les dieux : rendons-nous l'Amour favorable, et il nous fera trouver cette partie de nous-mêmes nécessaire à notre bonheur , et qui n'est accordée aujourd'hui qu'à un petit nombre de privilégiés. Qu'Éryximaque ne s'avise pas de critiquer ces dernières paroles, comme si elles regardaient Pausanias et Agathon ; car peut-être sont-ils de ce petit nombre et appartiennent-ils l'un et l'autre à la nature mâle et généreuse. quoi qu'il en soit, je suis certain que nous serons tous heureux, hommes et femmes, si l'amour donne à chacun de nous sa véritable moitié et le ramène à l'unité primitive. Cette unité étant l'état le meilleur, on ne peut nier que l'état qui en approche le plus ne soit aussi le meilleur en ce monde, et cet état, c'est la rencontre et la possession d'un être selon, son cœur. Si donc le dieu qui nous procure ce bonheur a droit à nos louanges, louons l'Amour, qui non-seulement nous sert en cette vie, en nous faisant rencontrer ce qui nous convient, mais qui nous offre aussi les plus grands motifs d'espérer qu'après cette vie, si nous sommes fidèles aux dieux, il nous rétablira dans notre première nature, et, venant au secours de notre faiblesse, nous donnera un bonheur sans mélange.
 
 
 
La légende des hommes boules... (by Uhu)
 
Une antique légende grecque raconte qu’à l’origine de l’humanité, les hommes ressemblaient à des boules. Ils étaient en effet constitués de deux personnes, homme ou femme : ils avaient deux têtes, 4 bras, 4 jambes, et lorsqu’ils devaient courir, pour aller plus vite, ils roulaient sur eux mêmes. Ces êtres doubles n’avaient peut-être pas la silhouette la plus svelte, ni la démarche la plus grâcieuse, mais ils étaient en revanche particulièrement forts : deux fois plus intelligents, deux fois plus rapides, ils regroupaient les qualités de deux êtres au lieu d’un. Et ils pouvaient en permanence discuter de tout et de rien avec leur moitié, échanger leurs idées, chacun connaissait tout de l’autre...

Les dieux de l’Olympe, pour qui l’amour se résumait souvent aux conquêtes d’un soir de Zeus, ne comprenaient pas ces hommes boules et finirent par se sentir menacés. Tout occupés qu’ils étaient de leur bonheur parfait, rassurés par la présence de leur moitié, les hommes boules n’avaient plus suffisamment peur des dieux et de leurs pouvoirs. Ces derniers réfléchirent donc très longtemps et trouvèrent un châtiment cruel qui affaiblirait les êtres humains. Ils les coupèrent tout simplement en deux par le milieu, et refermèrent au niveau du nombril, formant deux êtres là où auparavant il n’y en avait qu’un.

C’est depuis cette époque que chaque être humain recherche sa moitié, l’être qui lui est complémentaire, afin de reformer un tout parfait. Cette quête est d’abord une quête physique, se tenir la main ou se faire des gâtés nous permet de reformer notre boule originelle. Mais il s’agit également d’une quête de l’âme qui recherche l’être avec lequel elle pourra tout partager et redevenir cet être parfait des origines. Une fois notre moitié retrouvée, on ne veut plus la quitter.

Voici l’histoire d’AL et de R, deux moitiés qui se sont trouvées et reconnues il y a maintenant 11 ans, et qui ont choisi en se mariant de ne plus jamais se quitter.

C'est pas tous les jours que je cite du Platon, mais je vous assure que cette légende a souvent beaucoup de succès !

PS : désolée de vous avoir abandonnés si longtemps !

3 commentaires:

  1. J'adore ! :-) c'est vraiment adorable comme légende !

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  2. Le discours d'Aristophane - Le banquet de Platon, est-il réellement adapté à une cérémonie laïque ? Je ne peux pas ne pas croire que personne n' y voit une critique de l'homosexualité, décrite comme infertile et donc caduque, notamment dans le contexte ambiant ! Je sais que tout cela est a relativiser en fonction de l'époque de la grèce antique et son propos initial. Cependant, moi qui ne suis pas habituellement très militante, je trouve ça vraiment frappant. J'ai peur que cela puisse choquer les couples homos qui se tournent vers ce genre de blog pour justement, organiser une cérémonie qui leur ressemble !
    Par ailleurs, merci pour tous vos autres textes et les autres bonnes idées que vous dispensez sur votre blog et qui sont une grande source d'inspiration.

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